mercredi 28 décembre 2016

Une nuit comme tant d'autres — Chapitre 3 : Porte Ouverte

Quand Emia arriva chez elle, il était plus de deux heures du matin. Ce n'est qu'en refermant sa porte qu'elle ressentit la fatigue accumulée pendant la journée. Quand elle y repensait, ça avait beau lui paraître loin, c'était aujourd'hui qu'elle avait vu Claariée. Sans perdre de temps, elle se prépara de nouveau à sa nuit sans rêve et se glissa dans son lit. Une longue journée de travail l'attendait.
Les nuits sans rêve ne sont pas rares chez les Rêveurs. Simplement, c'est un mauvais moment à passer. Comme une nuit avec rêve est un bon moment à passer. C'est pour cette raison que les concernés évitent autant que possible les nuits sans rêve, parfois au prix d'œuvres de mauvaise qualité achetées en boutique, bâclées, ou même empruntées. Emia, refusant toute œuvre qui n'était pas sa création, avait mis au point une technique pour détendre son esprit avant de dormir pour aider à passer ces nuits. C'était expérimental, personnel, mais pas inefficace. Mais surtout, c'était beaucoup trop souvent à son goût.

Elle se réveilla en sursaut. Il faisait jour. Un coup d'œil au soleil. Presque huit heures. Donc presque en retard. Emia s'habilla en vitesse et sortit. Elle avait déjà eu du retard moins de cinquante jours auparavant, et cette fois, elle risquait de le payer.
Chance ou forme physique, Emia arriva avant son supérieur direct. Elle ne risquait plus rien.
C'est d'ailleurs ce qu'elle espérait. Après les aventures de la veille, Emia était épuisée. Elle ne souhaitait qu'une journée de travail habituelle. Organiser des ateliers, en diriger un ou deux, comme d'habitude. Ce qu'elle put faire sans en être empêchée. Enfin, elle put quelques instants oublier Claariée et ses tourments. Ses rituels étaient accomplis, le travail avait repris normalement. Emia se prit même à espérer pouvoir passer plusieurs semaines comme ça. Il lui suffisait d'éviter le trajet de la patrouille pendant ses recherches de sujets pour échapper à Claariée.
Emia fut soulagée de retrouver ses repères : Travail, collègues, ateliers... tout était là. Cependant, quelque chose la dérangeait. Quelque chose qui ne semblait pas à sa place. Tout l'après-midi, elle avait ressenti ce quelque chose en trop. Comme si ce quelque chose s'était produit et comme si elle risquait des retombées.
Les angoisses d'Emia se confirmèrent quand un de ses collègues dont elle avait toujours ignoré le nom et qui s'occupait de l'accueil vint la voir au moment où elle s'apprêtait à rentrer chez elle pour lui annoncer que le directeur la convoquait. Le directeur. Un instant de terreur envahit Emia. Il ne rencontrait jamais ses employés, sauf dans des cas extrêmes. Même pour renvoyer quelqu'un, il déléguait. Même pour convoquer quelqu'un, il déléguait.
Emia réfléchit très vite. Que pouvait-elle avoir fait de si grave ? Rien ne lui vint. Sa Connexion la dérangeait pourtant, quelque chose n'allait pas. Maintenant, elle en était certaine.


- Je vous laisse donc la parole.

Emia se rendit compte de la situation dans laquelle elle se trouvait quand le premier garde commença à parler. Les dix dernières minutes avaient été floues. Elle se souvenait avoir rangé ses affaires, s'être dirigée vers l'arrière salle où on l'attendait et s'être assise sur une chaise. Le directeur était accompagné de trois gardes armés et avait l'air sombre. Peut-être était-ce normal. Il avait parlé longtemps d'une voix dure et grave, mais Emia n'avait pas écouté. Elle était ailleurs. Tout ça lui semblait surréaliste.

- Vous êtes bien Emia C'Oarlen, Rêveuse ?

Emia confirma, puis regarda le garde. Elle ne l'avait jamais vu, malgré ses séances d'espionnage depuis la colline. Pourtant sa Connexion était toujours ennuyée, elle sentait comme un lien entre eux.  Le garde était gigantesque, peut-être un mètre trente, et avait un uniforme différent de ceux des gardes qu'elle avait l'habitude d'observer. Il devait être quelqu'un d'important. Les deux autres portaient leurs casques, et Emia fut un peu déçue de ne pas pouvoir les identifier. Le directeur était impressionnant aussi, mais pas comme un militaire. Il avait une présence écrasante. Sans doute avait-il une puissante Connexion aussi. Emia eut un frisson de terreur en imaginant Maern devenir ce genre de personne. Cela risquait d'arriver.
Mais pourquoi le garde demandait-il si elle était Rêveuse ? En plus cela était évident, compte tenu de son travail ici.

- L'Inspection vous a reconnue responsable de l'incendie du temple du Rêve.

Responsable d'un incendie ? Elle réalisa. Les bougies ! Elle n'avait pas éteint les bougies ! Un oubli aussi grossier avait forcément été identifié en un instant par la Mémoire de l'Inspection...
Emia essaya de rester calme. Dans le fond, elle avait de la chance d'avoir brûlé ce temple et pas un autre. Elle aurait reçu une punition à coup sûr si ça avait été le cas. Elle la craignait quand même. Si elle recevait une punition, elle pouvait dire adieu à son don, à son travail et au peu de gens qu'elle connaissait. On l'esquiverait plus qu'une Défectueuse. Un second frisson de terreur la parcourut. C'était mauvais signe.

- Par conséquent, vous êtes condamnée à une restriction de droits, une mise sous tutelle et à du travail d'administration et de gestion pendant quarante jours. Les deux gardes derrière moi vous surveilleront en permanence et vous êtes convoquée du lever au coucher du soleil à la Cave des Archives. Vous pourrez reprendre votre travail ici après votre peine si votre employeur l'accepte.

 Emia se figea. Les restrictions de droits étaient lourdes. Très lourdes. Presque aussi réputées que les punitions. Elle comprit qu'elle devrait vivre comme en prison pendant plus d'un mois. Quarante jours où elle ne pourrait que travailler pour payer sa dette, mais surtout quarante nuits sans rêve. Impossible de créer, impossible de rêver. C'était de la torture, pour un Rêveur.

- Me comprenez-vous ?

Emia regarda le grand garde, les yeux embués de larmes. Elle renifla une fois.

- Oui, je vous comprends.
- Très bien, reprit le garde, votre peine commence demain.

Elle regarda autour d'elle rapidement. Inutile d'essayer de fuir, la Connexion du groupe en face d'elle était presque palpable. Elle n'aurait même pas le temps de sortir de la pièce avant d'être clouée au sol. Ses instincts l'abandonnèrent vite. Elle n'avait pas le choix. Elle devait subir la restriction.


La Cave des Archives était ce qui se rapprochait le plus d'une prison sans en être une. C'était une gigantesque pierre sombre enfoncée dans le sol et creusée pour, officiellement, y ranger toutes sortes de documents. En pratique, c'était plus une bibliothèque sans aucun livre à sa place et de gigantesques tas de papiers par terre : des centaines d'années d'histoire et de connaissances Souvaines inexploitables. L'endroit était très sombre, l'absence de fenêtre n'était compensée que par quelques insectes lumineux, l'autorité ayant déclaré que des torches auraient été trop dangereuses. En réalité, il n'y avait pas besoin d'être brillant pour deviner que c'était plus par fainéantise et avarice que par réelle source de danger. Quelques petites pièces étaient taillées dans le but d'y recevoir des personnes condamnées, et on y avait entreposé des piles de documents incomplets relativement mieux triés que la moyenne. De rares optimistes avaient quelques fois essayé d'ordonner l'ensemble, mais avaient vite abandonné l'idée. Depuis, l'endroit servait de bagne.
L'endroit n'avait qu'une entrée, les différentes pièces étaient verrouillables de l'extérieur. La pierre dont était faite la cave était imperméable aux dons et empêchait donc toute communication avec l'extérieur. À la découverte de la roche, la souveraineté avait immédiatement décidé d'en faire une prison officieuse : impossible de s'échapper, et impossible de chercher de l'aide extérieure.


Une routine d'ennui, de frustration et de désespoir s'installa. Comme elle l'avait craint, Emia n'avait aucun droit. Elle se levait à l'aube pour faire du travail administratif de comptabilité, finissait au crépuscule, et rentrait chez elle pour subir une nuit sans rêve. Lever, travail, coucher. À aucun moment elle ne voyait le soleil. Ses surveillants, se relayant, refusaient le moindre mot. Bien pire pour elle que le fait d'être condamnée, Emia était complètement seule.
Les premières minutes passèrent vite. Emia n'avait pas encore vraiment réalisé ce qui lui arrivait, ses dons étaient encore tout frais de la veille et surtout elle était toujours en état de choc.
La première heure fut révélatrice. Elle sentit l'effet de la pierre étouffer sa Mémoire et sa Connexion, et écraser son Rêve. Ses sens étaient à vif et elle ne pouvait rien faire pour y remédier. Elle dut se forcer à respirer lentement pour éviter des crises de panique. Tout son corps lui hurlait de sortir d'ici, mais elle devait continuer son travail, au risque de prolonger sa peine. Elle se maîtrisa. Pas les heures qui suivirent.
À la fin de la première journée, Emia eut l'impression de respirer de nouveau. En sortant, et même dans la nuit froide et silencieuse, elle sentit son énergie l'envahir avant d'être frappée par l'épuisement et par le garde qui la somma de se tenir mieux. Puis elle frissonna deux fois en imaginant les trente-neuf jours qui allaient suivre, et une fois à cause du froid.
Emia rentra sans faire de vague, et se coucha immédiatement, terrorisée par l'idée de se réveiller le lendemain.

Chaque nuit qui passait était plus frustrante, plus douloureuse que la précédente, et elle sentait son don souffrir toujours plus. Chaque jour n'était que lassitude, courbatures et occasionnellement panique. Ce qu'elle faisait n'avait aucun intérêt, et ses doigts lui faisaient mal à force d'écrire. Mais le pire était son don de Rêve qui se battait de toute ses forces pour continuer à vivre. Épuisant. Exigeant. Peu réconfortant.
L'inutilité de son corps aussi fut éprouvant pour Emia. Elle qui adorait marcher, courir, se dépenser de manière générale était limitée à son siège et à ses piles de chiffres, dénués du moindre rapport avec ses œuvres de Rêve, complètement inutilisables même comme inspiration partielle. En plus de l'accumulation de fatigue, de crampes, d'encriers vides, Emia devait faire avec l'engourdissement toujours plus important de son corps superflu.
Elle eut tout de même l'autorisation de pratiquer ses rituels. Ce fut le seul moment de soulagement qu'elle connut.

Aliénants, décourageants, les jours passèrent. Chacun la rapprochant de sa liberté mais surtout chacun plus destructeur que le précédent. Plus le temps passait, plus Emia perdait l'espoir de rêver à nouveau. Toujours plus proche de la démence, toujours plus proche de la perte de son don, Emia passa plusieurs nuits sans sommeil, les autres sans repos. Elle était épuisée, mentalement et physiquement. Elle perdit la notion du temps.
Après quatre inconscientes semaines de peine, Emia laissa tomber sa santé. Elle ne se souciait plus de sa forme physique. Seul son esprit fragilisé lui importait, et elle s'était cachée tout au fond de sa conscience, au plus proche de son don de Rêve, la seule chose à laquelle elle réussissait à se raccrocher. Elle n'espérait plus rêver à nouveau, elle se rappelait seulement cette époque lointaine où la nuit était son amie et où le jour était son terrain de jeu.
Ses doigts blessés ne lui faisaient plus mal. Elle ne ressentait plus rien. Elle ne voyait plus qu'un épais nuage noir sans fin qui lui empoisonnait le cerveau.
Un jour, un garde lui parla. Il lui dit simplement trois phrases.

- Votre peine prend fin dans deux jours. La restriction sera levée au coucher du soleil, après-demain. Votre patron nous a contacté, il vous a remplacée, inutile de retourner à votre ancien travail.

Emia regarda dans la direction du garde, les yeux dans le vague. Elle ne ressentit rien. Ni espoir, ni soulagement, ni déception d'avoir perdu son travail. Les seules choses qu'elle voyait étaient encore d'autres journées comme celle-ci. Elle continua à travailler. Il ne fallait pas qu'elle pense.
Elle ne pensa pas.


- Votre peine est purgée. Vous êtes libre. Vous pouvez retourner à votre vie d'avant.

Comme un enfant à qui on aurait retiré les parents, Emia ne regarda pas celui qui parlait. Elle n'avait plus de vie d'avant. Elle n'avait pas vraiment non plus de vie de maintenant. Elle était perdue. Vide. Il ne lui restait qu'un désir.
Rêver.
Elle se retourna et partit.

Elle marcha. Elle sortit du bâtiment dans lequel elle se trouvait, boitant un peu et se tenant le poignet gauche pour étouffer la douleur. Elle savait ce qu'elle devait faire. Elle marcha, lentement, animée simplement par sa détermination de rêver au moins encore une fois, jusqu'à chez elle, récupéra son matériel de rêve, le jeta en désordre dans un sac et ressortit. Elle marcha, inconsciente de ce qui l'entourait ou du temps qui passait. Elle marcha, voulut frapper à une porte, mais se rendit compte qu'elle était déjà ouverte.
On l'avait sentie arriver.
Elle poussa la porte.

- Entrez, entrez, dit une voix féminine.

La Connexion d'Emia remarqua son interlocutrice au moment où elle entendit ses mots. Elle la suivit.
Pour la première fois, Emia vit Claariée en ayant le sentiment d'en avoir le droit.


Claariée avait senti Emia arriver de loin. Elle avait entendu parler de la condamnation d'Emia et se doutait qu'elle viendrait la voir. Plusieurs fois, elle avait passé du temps derrière la caserne, adossée à la Cave des Archives, à essayer de se faire remarquer par Emia, en vain. Leur lien de Connexion était bien plus fort que ce qu'Emia devait penser, et Claariée était un peu déçue de ne pas avoir été perçue. Emia devait sans doute ne prêter aucune attention à sa Connexion.
Entraînée à ce genre d'exercices, repérer Emia près de chez elle le soir de la fin de sa restriction avait été un jeu d'enfant, et Claariée avait profité de ce temps d'avance pour préparer l'impression qu'elle voulait donner, était allée jusqu'à libérer ses cheveux, une première en public. Elle savait Emia très fragilisée et épuisée, et elle voulait la rassurer. Claariée avait alors décidé de se montrer tranquille, confiante et même un peu maternelle s'il le fallait. Elle avait même fait attention à contrôler sa Connexion pour être sûre de ne pas s'imposer.
Claariée aperçut Emia. Elle était dans un sale état. Décoiffée, le visage déformé par les pleurs, boitant, sa Connexion était presque imperceptible, sa Mémoire inexistante. Claariée craignit pour leur lien.

La Rêveuse chercha les yeux de la garde un instant, avant de les trouver.

- D-Désolée de vous déranger si tard, je sais qu'on ne se connaît pas mais... Je vous en supplie, accepteriez-vous de r-rêver avec moi ?

Claariée attendit une respiration avant de répondre. Emia se trompait. Elles se connaissaient.

- Je ne comprends pas bien ce que cela implique, mais je veux bien. Vous parlez des dessins ?
- Oui c'est... oui c'est ça, c'est un peu simplem-ment résumé, mais c'est de ça que je parle. Il y a aussi la partie où on dort et en général je le fais seule mais là on serait toutes les deux et...
- D'accord, d'accord, la coupa Claariée, craignant que son interlocutrice ne se perde dans ses phrases. Je vous ai donné mon accord, faisons comme vous le désirez. Dites-moi ce que je dois faire.
- C'est... vrai..?
- Ça fait trois fois que je vous le dis. Rêvons, Emia.
- D'accord. Pour l'instant, il vous su-suffit de ne pas bouger pendant... environ quinze minutes.

Emia posa son sac par terre puis s'assit. Elle en sortit une grande feuille, un crayon et une plume. Elle ne sentait rien.

lundi 21 novembre 2016

Détail de détail de nullité: MTG Véhicules.

Salut tout le monde c'est LEJON et aujourd'hui on va parler d'un truc tellement mal branlé que ça me fait du mal que des gens aient été payés pour concevoir ça. Donc aujourd'hui: Les véhicules de l'extension Kaladesh de Magic.


L'idée était pourtant très sympa: Mettre des mecs dans des véhicules pour les faire fonctionner c'est sympa, ça change de d'habitude et ça recycle les bestioles un peu nulles en fin de partie. Sauf que... Les concepteurs ont foiré des milliards de trucs dans leur développement.

1°) On peut mettre des créatures dans les véhicules même quand elles ont le mal d'invocation. Euh, le principe du mal d'invocation c'est pas LE CONTRAIRE? Les créatures sont censées être inutilisables à part en défense. Raté.

2°) On peut mettre des véhicules dans des véhicules. On peut SÉRIEUSEMENT faire conduire des véhicules par d'autres véhicules. Non. Vraiment non. Raté.

3°) Les véhicules peuvent être pilotés en instant speed et à n'importe quel moment. Ce qui permet d'engager n'importe quelle créature en instant speed n'importe quand et donc leur filer plus ou moins de l'évasion alors que c'est pas du tout fait pour ça à la base. C'est n'importe quoi, les véhicules devraient avoir une capa déclenchée au début de chaque combat où on propose de les piloter, voilà tout. Raté.

4°) Franchement... Dans une extension où on créé des compteurs d'énergie, on n'en a pas besoin pour faire fonctionner une voiture? C'est quoi votre problème? Vous comprenez rien à vos cartes...? Raté.

5°) Smuggler Copter. C'est non. Raté.

Avec ça, on avait des mecs un peu spécialisés dans le pilotage, ce qui est une bonne idée. Mais pilote vétéran? Nan. Dépala? Nan....

Désolé les gars, mais on les oubliera vite vos véhicules, de toute façon ils ne marchent pas hors T2, et surtout ils ne sont PAS FUN DU TOUT pour les 90% de la communauté qui jouent fun.

mercredi 16 novembre 2016

Jonyogrel Chapitre 13: Back pas trop in time

Lzel était à genoux, en train de crier tel Keanu Reeves dans Point Break.

"Pourquoi Ellif, pourquoi as-tu achevé le boss en un coup ? Noooooooooooooooon", dit-il entre deux sanglots, en serrant le boss dans ses bras.

Ellif 2 regarda vers Ellif 1.

"Quoi ? Si je ne le faisais pas, Churris allait mourir et ça allait provoquer une boucle, j'te raconte pas l'enfer, on aurait dû faire un autre Deus Ex Machina des familles pour résoudre ça."

"Mais ce n'est pas le nôtre ..."

Churris 2 avança d'un pas.

"Ah oui, qu'est-ce qui s'est passé ?" questionna Ellif 1.

Un bruit de flash-back se fit entendre.

Ellif 1 dormait, un flash sortit du placard de celle-ci. En sortit, avec difficulté à cause de son armure lourde, Ellif 2.

"Pourquoi faut que je me farcisse les voyages dans le temps. Ah oui, c'était pour que "ON NE FASSE PAS DE PARADOXE TEMPOREL" comme le dirait Boyo. Mais, pourquoi je crie au fait ?"

Ellif 1 dormait d'un sommeil lourd, comme à son habitude. Ellif 2 se pencha à son oreille.

"Bon, Ellif, va falloir que tu m'écoutes bien, tu devras faire attention à Churris, il risque de se faire tuer, je viendrai le sauver, mais il faudra qu'il soit exactement à 2 mètres de toi, le 13 janvier à 21h03 sinon il meurt. Et surtout qu'il n'ouvre pas de coffre, capish ?"

Un ronflement ressemblant vaguement à une approbation émergea de la gorge d'Ellif 1.

Ellif 2 put repartir à son époque, et la seconde d'après, Churris surgit pour proposer un entrainement matinal. À 4h du matin oui, Churris était un type bien ordonné.

Un bruit d'anti-flash-back se fit entendre.

"..... Saucisse. Elle a laissé Churris ouvrir un coffre ! Bon sang ! Quelle idiote ! " Dit-elle en se tenant la tête entre les bras.

Lzel se leva et fit des gestes bizarres.

"Tu fais une crise d'épilepsie ?" lui demanda Noipse.

"Non attends, j'ai vu un vieux mage faire ça ..."

Un bruit sourd se répandit dans toute la pièce, un portail s'ouvrit en plein milieu de celui-ci. Churris en sortit, encore plus torse nu que d'habitude, deux personnes, un gars et une fille, dans les bras inconscientes.

"Tu devrais plus souvent faire de la magie, Lzel". Mais, sans vouloir décevoir Lzel, le hasard a fait que le portail s'est ouvert à ce moment-là.

"Les gens, je viens de connaître ma première nuit d'amour en même temps que mon passage au niveau 10. Je suis heureux !"

"Eh mec, c'est moi qui aurais dû les pécho ! Tu permets !" Churris 2 reprit les personnes, prit le portail.

"On se fera une bouffe un de ces quatre ! Salut les bouffons !" lança-t-il avant de disparaître dans le portail.

Lzel frétillait comme Ellif 1 devant le retour en grande pompe de Churris 1, le seul, l'unique. Noipse était encore plus désespéré car Churris 1 était trop fort, son lvl 10 lui donnait une capacité anti-backstab.

Ellif 2 eut ce petit soupir rassuré typique des personnes amoureuses, mit un pied dans le portail. Avant de se retourner.

"Attendez" dit-elle, "J'ai oublié de vous dire qu'il y a un trai....." avant de disparaître dans l'éther.

Noipse suait à tellement grosse goutte qu'il fut déshydraté très vite, mais personne ne comprit la dernière phrase d'Ellif 2.















mercredi 5 octobre 2016

Une nuit comme tant d'autres — Chapitre 2 : Bougies

Emia détestait les rituels Souvains, à l'exception de celui du don de Rêve. Pour elle, c'était comme de l'hygiène, ou comme se nourrir : beaucoup de temps obligatoirement perdu dans des choses sans intérêt. Cette fois, elle avait tellement de retard qu'elle se trouvait presque contrainte à faire non seulement son rituel du don de Rêve, mais aussi celui de Connexion et celui de Mémoire. Le rituel de Rêve ne la contrariait pas trop, c'était un don qu'elle chérissait et qu'elle savait rare chez les Souvains. Si pratiquer un rituel par mois lui permettait de passer de meilleures nuits et de mieux maîtriser son don, cela lui semblait normal. En revanche, les rituels de Mémoire et de Connexion l'ennuyaient profondément. Ces deux dons étaient acquis chez tous les Souvains dès la naissance à part chez quelques enfants Défectueux, et Emia ne voyait pas grand intérêt dedans. Oui, la Mémoire et la Connexion étaient utiles et l'avaient même une fois bien arrangée après une erreur administrative qui avait failli lui coûter une punition, mais elle n'était pas douée pour les pratiquer et son travail de Rêveuse n'en avait aucunement besoin.
C'était une perte de temps. Mais peut-être pas seulement. Emia se rappela son après-midi et son aventure avec Claariée. C'était la Connexion qui les avait liées et qui avait permis à Claariée de la sentir d'aussi loin. Et ç'avait été agréable, dans un sens.
La Rêveuse demeura pensive quelques instants. Encore en pyjama et pourtant bien décidée à ressortir visiter les trois temples ce soir, elle s'assit en tailleur sur son lit et repensa à ses souvenirs de Connexion. Deux ans auparavant, elle avait entretenu une relation de Connexion avec un Souvain un peu plus jeune qu'elle, Maern. À l'époque elle avait neuf ans, lui huit.
La relation avait été un désastre. La Connexion de Maern était écrasante, quasiment à sens unique. Emia avait extrêmement mal vécu cette relation. Étouffante, la Connexion de Maern avait commencé à empiéter sur le don de Rêve d'Emia, qui avait eu de plus en plus de mal à s'exprimer. Inquiète pour sa santé et terrorisée par une Connexion aussi forte chez un Souvain aussi jeune, Emia avait coupé le lien avec Maern rapidement. Leur Connexion s'était effacée en quelques jours et le don d'Emia était revenu à la normale rapidement. Après ça, Emia s'était promis de ne plus jamais se lier de Connexion romantique avec qui que ce soit.
Pourtant, elle sentait que c'était différent cette fois. La Connexion de Claariée était beaucoup plus douce et bien moins intrusive, et Emia se sentait capable d'y répondre. Malgré tout, elle restait contrariée et un peu déçue. Elle souhaitait pour une fois se lier de Rêve romantique, et pas de Connexion. Elle ne s'était jamais liée de Rêve, et elle voulait connaître la sensation, et même, pourquoi pas, construire quelque chose de durable sur plusieurs mois ou années.
C'est ces pensées en tête qu'Emia se releva. Elle se rhabilla, mit ses chaussures et sortit. En route vers les temples classiques, elle décida de mettre tous ses problèmes sentimentaux de côté pour l'instant. De toute façon, elle ne pouvait pas décemment revoir Claariée avant quelques jours et une grosse journée de travail l'attendait le lendemain.

Peu pressée d'arriver, la Rêveuse flâna en chemin. Elle profita du soleil couchant pour admirer de rares fleurs, contempla le ciel quelques instant et utilisa même sa Mémoire pour observer une vieille fontaine. Emia mémorisa ces éléments et décida de les inclure dans son prochain Rêve. Elle croisa de loin deux vieilles connaissances de son ancien travail à la Grande Rêverie mais les ignora, espérant qu'elles ne l'avaient pas vue.
Finalement arrivée devant le temple de Connexion, Emia se résigna à y entrer.

L'ambiance dans le temple était presque morbide. Pourtant généralement animé, berceau de la plupart des romances, le temple était vide et terne. Le soleil était trop bas pour éclairer par les fenêtres et le peu de lumière provenait de bougies bien trop peu nombreuses. En plus, à cette époque, en plein milieu de mois, presque personne ne pratiquait son rituel de Connexion. Emia ne remarqua qu'un vieux couple dans un coin, qui ne voulait pas être dérangé.
Le temple était formé d'une grande pièce principale où les Souvains se retrouvaient généralement en groupe avant d'accomplir leur rituel, dans laquelle on trouvait de très longues étagères remplies de petits sacs contenant les herbes du rituel. C'était dans cette pièce que la plupart des Connexions romantiques naissaient. Il était d'usage de venir ici quand on cherchait un partenaire pour se lier, et c'était ici qu'Emia avait rencontré Maern deux ans plus tôt.
La grande salle donnait sur un couloir qui permettait l'accès à douze chambres pour les rituels, dans lesquelles on trouvait simplement une chaise, un bol et une petite fontaine. Si l'on voulait plus de confort, il fallait apporter son propre matériel.

Emia s'approcha d'une étagère et y récupéra un des sacs sans faire très attention à son choix. Peu lui importait. Elle savait que certains Souvains prêtaient grande attention à la qualité de leurs herbes, notamment les gardes, mais pour elle ce n'était pas important. Elle se dirigea vers les chambres et constata qu'aucune n'était occupée. Elle pouvait donc occuper la deuxième, sa préférée. Maigre consolation, mais elle n'allait pas cracher dessus. La fontaine de cette chambre lui plaisait, elle représentait deux jeunes Souvaines en train de mimer un lien entre elles, comme les autres, mais celle-là ne donnait pas l'impression que le lien était une Connexion, alors Emia aimait y voir autre chose, un Rêve, une Mémoire, ou même un autre don qu'elle essayait d'imaginer.
Emia s'assit sur la chaise et soupira. Si les rituels n'étaient pas obligatoires, cela ferait longtemps qu'elle aurait laissé tomber ceux de Connexion et de Mémoire. Ils n'étaient même pas nécessaires à la survie des capacités liées, contrairement au rituel du don de Rêve.
Résignée, Emia commença l'infusion et s'ouvrit à la Connexion. Pendant plusieurs minutes, elle chercha autour d'elle la présence d'autres Souvains. Sans trop de difficulté, elle trouva le couple de l'entrée, puis avec quelques efforts, repéra un passant dehors. Ses capacités s'arrêtaient là.
Emia referma sa Connexion le temps de boire l'infusion d'herbes. L'amertume lui tira une grimace, mais rien de plus. Elle laisserait l'infusion prendre plus longtemps la prochaine fois. Tant pis.
Une seconde fois, Emia s'ouvrit à la Connexion. L'effet de l'herbe se fit sentir immédiatement. Cette fois, elle sentit plusieurs dizaines de personnes. Presque instantanément elle retrouva le couple de l'entrée et se lia légèrement à eux involontairement, avant de se faire repousser. Elle retrouva le même passant dehors mais se rendit compte qu'il était accompagné par deux enfants qu'elle avait été incapable de remarquer la première fois. Elle trouva un groupe d'adolescents et voulu se faire remarquer mais n'y parvint pas. Montrer sa Connexion était une chose qu'Emia était incapable de faire, même sous l'effet de l'herbe. Elle n'en serait certainement jamais capable, surtout seule. Emia sentait cependant qu'elle avait beaucoup plus de facilités à trouver d'autres Souvains que d'habitude. C'était un progrès.
Après une interminable heure de recherche vagabonde d'êtres à ennuyer, Emia referma sa Connexion pour de bon. Enfin, le rituel était terminé.
Emia s'empressa de récupérer le sac d'herbes et sortit de la chambre. Elle rangea le sac à sa place sur l'étagère et, voulant souhaiter une bonne soirée au vieux couple, remarqua qu'il n'était plus là. Ça, sa Connexion ne l'avait pas remarqué.

Emia sortit du temple sans trop savoir comment elle se sentait. Elle était soulagée d'avoir enfin fini le rituel qu'elle détestait le plus, mais appréhendait encore celui de Mémoire. Elle était heureuse d'avoir fait des progrès sous l'effet de l'herbe, mais déçue de se rendre compte à quel point elle était incapable de maîtriser quoi que ce soit sans. Sans trop de conviction, elle décida que c'était plutôt un bon souvenir, pour un rituel de Connexion.

Le rituel de Mémoire fut beaucoup plus agréable pour Emia. Si en pratique il se déroulait de la même façon que celui de Connexion, Emia eut la chance de croiser une de ses amies lointaines dans le temple et put en profiter pour prendre des nouvelles d'elle et de ses enfants, de quoi se changer les idées efficacement. Aussi, Emia n'avait pas de mauvaises expériences liées à la Mémoire, ce qui la rendait beaucoup moins réticente à l'entraîner quand elle y était obligée. Encore, la Mémoire qu'avait Emia du temple était assez joyeuse. Quand elle parvenait à oublier les innombrables rituels qu'elle percevait, elle arrivait à distinguer quelques centaines de liaisons heureuses, mais surtout, une quantité invraisemblable d'évènement différents, à croire que le temple avait abrité l'ensemble de l'histoire Souvaine.
Tout cela lui donna l'occasion de passer un bon moment malgré le rituel, qu'elle laissa rapidement quitter son esprit.
Mieux encore, elle se rappela que sa prochaine étape était le temple de son don de Rêve.

Emia quitta le temple de Mémoire en oubliant de saluer son amie et se dépêcha d'arriver au temple de Rêve. Il faisait déjà nuit et elle voulait quand même passer une nuit longue, même sans Rêve.

Le rituel de Rêve était différent des autres. C'était plus proche d'un entraînement académique à l'application du don. Le temple aussi était différent. Si le don de Rêve était incompris de la plupart des Souvains, les Rêveurs étaient quand même respectés et leur don aussi. Le temple du don de Rêve ne comportait qu'une seule gigantesque salle ronde dont les murs étaient tapissés d'œuvres exemplaires réalisées, selon la rumeur, par le premier couple de Rêveurs plusieurs millénaires auparavant. Emia le reconnaissait, bien qu'affichées comme de simples tapisseries, ces œuvres étaient d'une qualité incroyable, elle était incapable d'en faire de telles.
La grande salle était séparée en deux parties, l'une présentant plusieurs rangées de grandes tables pour travailler, et l'autre remplie à craquer d'affaires de dessin, d'écriture et de construction géométrique. En résumé, c'était un atelier géant à peu près organisé.
Emia avait souri tout le temps de la route entre les deux derniers temples, et souriait encore en entrant dans le dernier. Si elle n'aimait pas être forcée à pratiquer son don, elle adorait le pratiquer tout court, et faire le rituel ne l'ennuyait que sur le principe d'obligation.
Chaque mois, c'était la même chose. Emia rentrait dans le temple, s'émerveillait d'abord sur les œuvres tapissées plusieurs minutes puis quelques instants sur la quantité de matériel disponible avant de s'installer à une table. Elle se servit en papiers, plumes, encres et instruments et revint s'asseoir à sa table. Elle étala une grande feuille de papier devant elle et laissa son don s'exprimer.
Pour le rituel, les Rêveurs n'avaient pas besoin de sujet particulier. Le rituel consistait plus à tester des formes, des mélanges de couleurs, des phrases ou des personnages et voir si le résultat plaisait, même sans profondeur. Si le résultat semblait convenable au Rêveur, il gardait son travail, sinon, il pouvait recommencer autant qu'il le voulait.
Le rituel était, comme les autres, obligatoire, mais surtout nécessaire. Sans entraînement régulier, le don de Rêve risquait de diminuer, voire de se perdre entièrement, ce qui avait conduit à l'ouverture de boutiques d'œuvres comme la Grande Rêverie où Emia avait travaillé quelques mois, où l'on vend des œuvres de mauvaise qualité à des Rêveurs privés de leur don. Un commerce qu'Emia ne cautionnait plus.
Emia profitait de ses rituels obligatoires pour s'entraîner beaucoup. Elle craignait de perdre son don si elle ne le pratiquait pas assez et dans le doute avait une tendance à en faire trop, ce qui la rendait particulièrement douée. Elle passait à chaque fois plus de deux heures à expérimenter de nouvelles choses, à la recherche de Rêves toujours meilleurs.
Cette fois encore, Emia oublia l'heure, et, perdue dans ses expériences, ne se rendit pas compte de la nuit qui progressait avant d'apercevoir la lumière de la première lune par une des fenêtres. Stupéfaite, elle se dépêcha de finir sa dernière œuvre, ce qui lui prit plus de quinze minutes, avant de ranger vite les affaires qu'elle avait empruntées. Elle fit un tri rapide mais précis dans les œuvres qu'elle avait créées et choisit de n'en emporter que cinq.

Emia quitta le temple en oubliant d'éteindre les bougies derrière elle.

vendredi 9 septembre 2016

Une nuit comme tant d'autres — Chapitre 1 : Colline

Emia était à la recherche d'inspiration. Lassée de passer des nuits fades et monotones, elle avait besoin de quelque chose à se mettre sous la dent pour y remédier. Malheureusement pour elle, du haut de ses onze longues années de Souvaine, elle avait fait depuis bien longtemps le tour des sujets. Jusqu'au dernier nourrisson ennuyeux de la dernière portée de la voisine, jusqu'au plus haut des nobles du palais, tout le monde avait eu l'occasion de passer la nuit en compagnie du Rêve d'Emia. Bien sûr, et heureusement pour sa santé, elle avait déjà pu utiliser plusieurs fois les mêmes sujets. Mais cette fois, elle n'avait pas envie. Grâce à ses relations, elle savait très exactement l'heure et la date d'arrivée des nouveaux venus dans la ville. Cette fois, il lui faudrait attendre encore au moins deux semaines. Pas la moindre mutation de garde, pas la moindre Souvaine enceinte, et l'accès aux voyageurs était interdit jusqu'à la fin de la Récolte. Elle ne le voulait pas, mais elle était forcée d'utiliser son arme secrète.

Emia avait du temps devant elle, au moins deux heures. Elle en profita pour faire une toilette dont elle avait le secret de la rapidité - moins d'une heure, ce qui était selon elle digne d'établir un record - et de l'efficacité - tranquille pour près d'une semaine. Elle s'habilla, mangea un peu par précaution, récupéra son matériel d'écriture et de dessin et sortit, pour une fois, pieds-nus. Emia en avait pour au moins vingt-cinq minutes de marche, et décida de mettre ce temps à profit pour imaginer ce qu'elle allait inclure dans son aventure nocturne. Quels personnages, quelles couleurs, quels nuages si elle choisissait d'en inclure, quels bâtiments, peut-être une église cette fois ?
Sans vraiment se décider, Emia pensa quand même à exclure certaines choses. Aucun membre de sa famille, aucun noble. Pas de couleur trop claire, et pas de gris. Pas de nuages gris non plus, mais peut-être des blancs. Et pour les bâtiments, rien de morne, rien de triste, et surtout, rien qui lui rappelle son enfance.
C'est sur ces pensées que la Souvaine arriva à son poste secret. Elle l'appelait ainsi car elle l'utilisait pour observer de loin les autres habitants de la ville, mais il n'était pas caché du tout. C'était plus un poste fétiche, à vrai dire. C'était une petite colline recouverte d'herbe dans laquelle une maison était creusée. L'endroit était légèrement reculé et on pouvait y être au calme, mais surtout, on y avait une très bonne vue du quartier ancien, sans en être très loin. Et c'est ce qu'Emia recherchait précisément.

Emia arriva finalement très légèrement en avance, elle avait tellement traîné en chemin qu'elle avait perdu plus d'une heure. Tout au plus, elle avait dix minutes avant que la patrouille ne passe. Elle sortit ses affaires : crayons, feuille, craies de couleurs variées, mais aussi différentes encres colorées et trois plumes provenant de trois oiseaux qui n'ont de distinction qu'aux yeux de Souvains. Prête à œuvrer, elle regarda vers une petite place au centre du quartier ancien, célèbre pour tous les évènements qui s'y étaient déroulés, la Place des Esprits.
L'endroit était exceptionnel d'un point de vue Souvain. Un non-Souvain n'y verrait qu'une place ronde, pavée et marron sans rien de remarquable à part la détérioration des maisons l'entourant, mais un Souvain pouvait y voir des centaines d'années d'évènements, heureux comme tragiques, colorés comme ternes, nuageux comme dégagés, bruyants comme calmes. Emia ne pouvait pas tout y voir, elle le savait, elle était encore trop jeune et son don de Rêveuse l'empêchait de développer sa Mémoire. Sadite Mémoire des lieux ne remontait qu'à quatre ou cinq cents ans dans le passé. Elle pouvait y voir quelques milliers de fêtes, moins de dix mille marchés et à peine trois cents assassinats. Pas de quoi remplir une nuit.
L'endroit était désert. La patrouille n'allait pas tarder et aucun Souvain ne prendrait le risque d'affronter la Mémoire des gardes du quartier ancien dans un endroit avec autant d'histoire. Même Emia qui les attendait préférait se tenir à l'écart. En onze ans, elle avait forcément quelque chose à se reprocher en rapport avec la petite place, et comme elle ne pouvait justement pas faire confiance à sa Mémoire, c'était un risque beaucoup trop important. Elle ne voulait pas risquer une punition pour une nuit de Rêve. Les punitions Souvaines étaient réputées pour être un genre de torture extrême qui vise l'esprit. Les seules personnes qui acceptaient de parler de leur punition semblaient se forcer à rester vagues sur ce qu'on leur infligeait réellement. Les rares informations recoupées et donc crédibles disaient qu'une heure de punition suffisait à détruire le don de Rêve et dégoûter de la Mémoire et de la Connexion. Non, décidément, Emia ne pouvait pas se le permettre.

La Connexion d'Emia la ramena à la réalité. La patrouille arrivait. Emia s'installa confortablement pour dessiner et écrire et regarda vers les gardes. Elle savait très exactement où se trouvait sa cible. Son arme secrète. Son inspiration pour cette nuit.
Cinquième rang, deuxième en partant de la droite. Elle était là. Claariée. Emia saisit un crayon et une plume et laissa son Rêve prendre le contrôle. Ses mains se mirent à dessiner toutes sortes de formes. Des figures géométriques, des arbres, des constructions Souvaines célèbres, des personnes réelles et des personnes inventées pendant une nuit, des mots ou des phrases parfois, et le tout en changeant constamment les couleurs de façon apparemment aléatoire mais en évitant toujours le gris et les couleurs claires.

La partie artistique du don de Rêve durait généralement une quinzaine de minutes, mais cette fois, quand Emia revint à elle, elle sentit que quelque chose n'allait pas. Elle regarda le résultat de son art et constata qu'en effet, elle n'avait pas pu finir son œuvre. Elle ne savait pas comment décrire ce qu'elle voyait mais elle était sûre de deux choses : ce qu'elle avait créé était superficiel, et elle avait été interrompue.
Emia secoua la tête et regarda vers les gardes. Ce qu'elle vit lui mit la pire claque de sa vie. Pire que celle reçue de sa mère après la fête de ses 4 ans. Pire encore que celle donnée à sa mère à l'anniversaire de ses 9 ans. Pire que celle qu'elle avait acceptée pour éviter une punition pour vol.
Claariée regardait vers elle. Pire, Claariée l'avait remarquée. Emia comprit que c'était un choc de Connexion qui l'avait coupée de son travail. Elle paniqua. Elle savait qu'elle ne devait pas fuir, mais se sentait incapable de soutenir le regard de la garde. Ne pouvant pas lâcher sa feuille de papier à moitié gribouillée, Emia s'empêcha de trembler pour éviter de la froisser. Aussi raté que puisse être son travail, elle voulait quand même essayer d'en tirer quelque chose.


Claariée avait pris l'habitude de regarder sur cette petite colline tous les jours, lors de la ronde de l'après-midi. Sa patrouille passait toujours par la Place des Esprits à la même heure et elle avait remarqué plus d'une fois sa Connexion lui signaler qu'elle était - au moins - observée. Puis, au bout de quatre ou cinq fois, elle avait remarqué Emia, la jeune Rêveuse. Claariée connaissait son nom : Emia était connue pour être excentrique, pas plus que nécessaire, mais juste de quoi se faire reconnaître.
Très vite, Claariée se rendit compte qu'Emia venait pour elle. Pas très souvent, peut-être une fois par mois, deux au maximum, mais Claariée sentit leur Connexion se lier de plus en plus fort. Elle remarqua aussi qu'Emia n'était pas consciente de leur lien car elle était trop absorbée par son don de Rêve. Claariée se sentait flattée de savoir qu'une Rêveuse s'intéressait à elle de façon récurrente : elle savait que les Rêveurs utilisaient leur don sur tout le monde mais il n'était pas courant d'être un sujet régulier.
Alors, un jour où elle remarqua Emia avant même d'arriver sur la Place, Claariée décida de lui envoyer un signal.
N'écoutant plus ses supérieurs raconter la même histoire une énième fois, Claariée se concentra sur la présence d'Emia et attendit. Jugeant que la Rêveuse devait en être à la moitié de son dessin, Claariée établit une Connexion entre elle et son observatrice et la coupa presque instantanément, juste le temps d'interrompre le dessin. Claariée vit la surprise sur le visage d'Emia et à quel point elle n'avait pas l'habitude de ne pas pouvoir finir. Elle sourit. Elle sourit encore plus quand Emia remarqua qu'elle l'avait vue.
Claariée regarda Emia pendant une dizaine de secondes, toujours en souriant. Puis elle se concentra à nouveau sur son travail de garde et fit semblant d'ignorer la Connexion et la présence d'Emia. La patrouille reprit sa ronde et Claariée finit sa journée comme une autre, pas plus fière qu'une autre journée, pas plus troublée qu'une autre journée.

Comment pouvait-elle sourire ? Lui sourire ? Emia avait été remarquée ! Et son don pourtant très développé du Rêve avait été forcé par une simple Connexion !
Emia était choquée et scandalisée. Contre elle-même avant tout. Elle ne pouvait pas croire à ce qui venait de se produire. Jamais après ça elle n'oserait Rêver de Claariée ni revenir ici trouver son inspiration. Non, non, elle devait se calmer. Peut-être n'était-ce pas si grave. Peut-être même pouvait-elle la contacter maintenant, pour la connaître mieux ou pour lui demander ce qui l'inspirait tant. Non, non, c'était la même chose, elle s'emballait dans le sens inverse. D'abord, elle devait ramasser ses affaires et rentrer chez elle. Ensuite, elle pourrait y réfléchir au calme et se préparer physiquement à sa nuit sans Rêve. Ce qu'elle fit.
Emia récupéra ses outils et rentra chez elle, la tête pleine de questions et de craintes. Elle pratiqua son rituel de préparation à sa nuit sans Rêve dans le même état et se retrouva, seule, en début de soirée, prête à dormir. Sachant que le sommeil ne viendrait pas si tôt, elle regarda son œuvre inachevée. Elle avait beau être superficielle, à moitié finie et un peu froissée à cause du transport, son œuvre avait un quelque chose qu'Emia se savait incapable de retrouver chez celles de ses collègues ou, pire encore, celles vendues en boutique. Emia rangea alors la feuille dans un coin, bien résolue à en faire quelque chose un jour, plus qu'à trouver quoi.


Finalement, frustrée de son excursion et consciente qu'elle était incapable de réfléchir clairement à cette histoire avec Claariée, Emia changea son plan pour la nuit. Ses réflexions pouvaient bien attendre un jour ou deux. Ou mille. Claariée et elle n'étaient liées que par une Connexion faible et un Rêve, soit quelque chose de personnel. Elles ne se devaient rien.
En plus, Emia était en retard sur ses rituels et son don risquait de flétrir si elle ne se rattrapait pas. C'était l'occasion parfaite.

Il lui fallait donc ressortir...

mardi 12 juillet 2016

Jonyogrel Chapitre 12: La revanche du narrateur qui est aussi de retour.

Ellif apparut devant le groupe. Ce qui faisait un total de euh... Alors si je me goure pas il y a Lzel, Noipse, Churris mais maintenant il est noir et deux fois Ellif. Non mais attendez les gars, si même moi, le narrateur, j'ai du mal à suivre, je plains les lecteurs là... Ça vous dirait pas de vivre une aventure genre où on explique tout clairement et où vous faites pas n'importe quoi tous les dix pas? Parce que là sérieusement on va finir par causer des paradoxes temporels sans faire exprès parce que je me serais gouré dans l'histoire que JE raconte.

-Ta gueule! Si t'es trop nul pour suivre on embauchera un autre narrateur plus qualifié espèce de stagiaire, balança Lzel au narrateur.

Ouais ben vous vous plaindrez pas si l'un d'entre vous meurt "accidentellement"! Je reprends.

Ellif 2 apparut devant le groupe. Oui du coup je la nomme 2, c'est plus pratique. Je le fais pour vous hein, moi j'arrive à suivre même sans ça. Je reprends, donc.

Ellif 1 apparut devant le groupe. EUH NON ELLIF 2! Je voulais dire "Ellif 2 apparut devant le groupe."! Oubliez la phrase d'avant, c'est une erreur. Donc je reprends.

Ellif 2 apparut devant le groupe. Non mais j'aime pas, 2, en fait. Ça fait fabrication à la chaine. Je vais plutôt la renommer "Ellif la deuxième". En plus c'est stylé. Alors du coup je reprends.

Ellif la Deuxième apparut devant le groupe. Attendez... Deuxième ou seconde? J'aime bien seconde aussi. J'reprends avec seconde pour voir l'effet que ça fait.

Ellif la Seconde apparut devant le groupe. Mouais. Bof. Non en fait deuxième c'est mieux. Je vais garder deuxième.

Ellif la Deuxième apparut donc devant le groupe. Très surprise d'abord, Ellif la Première, qui gagna ce titre d'un coup parce que c'est plus pratique comme ça se reconnut instantanément. Elle savait qu'elle devait laisser faire la Deuxième car elle devait sauver Churris d'une mort certaine grâce à un voyage temporel bien pratique. Et c'était clairement ce moment, puisqu'il était devenu noir, et donc avait toutes les chances de mourir à la première embûche.
Le boss, qui était toujours là, aussi étonnant que cela puisse paraître, leva sa massue en bois de platane sacré là, ou quelque chose comme ça, et attaqua. D'abord, il visa Ellif la Deuxième, mais rapidement, il se ravisa, voyant qu'il y avait un noir dans l'équipe d'aventuriers qui voulaient sa peau, et décida donc de le viser, pour accroitre de beaucoup ses chances de tuer au moins un de ses adversaires.

-Dis-donc le narrateur, tu trouves pas que y'a pas beaucoup de dialogues dans ce chapitre? T'as pas obligé de compenser ton absence de la dernière fois hein, me coupa Churris.

Hé attendez, je mets en scène la phrase du gars qui m'a coupé? Je sais que c'est mon job, mais c'est humiliant. Puisque c'est comme ça, je vais vous ruiner la fin, et même pas vous laisser vous plaindre.

-C'est dégueulasse, dit Noipse, je peux même pas faire ma phrase de traître où je me reprends pour faire un effet comique! Euh je veux dire "C'est dégueulasse, je peux même pas faire ma phrase d'entête où je me repeinds pour faire un effet comique!". HA je t'ai eu narrateur à la noix!

Vous voulez jouer à ça... Pouvoir de narrateur pas content!!
Le boss attaque Churris, Ellif la Deuxième le défend et tue le boss. Fin du chapitre. ET TOC!

Pourquoi Undertale, ok, c'est pas mal, mais c'est quand même pas le chef d'œuvre dont on nous parle sans arrêt.

Salut tout le monde c'est LEJON et aujourd'hui je vais vous parler d'un jeu dont la hype n'a aucune limite... UNDERTALE.

LE jeu de 2015, on n'entend parler que de lui PARTOUT, certains le sacrent meilleur jeu de 2015, certains de TOUS LES TEMPS, et puis y'a moi, qui dis que ouais, ok, il est pas mal, 14/20 quoi, mais faut pas exagérer quand même...

Alors pour ceux qui débarquent complètement, Undertale c'est quoi?
C'est un RPG indépendant laissant le choix au joueur de tuer ou non ses ennemis, ce qui entraine des conséquences scénaristiques qui peuvent altérer profondément le gameplay (en gros hein on va pas rentrer dans les détails ni spoil quand même ou alors je préviendrai).

Pour procéder méthodiquement, je vais m'occuper d'abord des points positifs, puis des points négatifs.


Positif:

- Les choix. Ca fait maintenant plusieurs années qu'on essaie de nous vendre (avec succès, malheureusement) des RPG un peu nuls où on essaie de faire faire des choix moraux au joueur, qui en pratiquent se résument à "Ohlala je suis méchant" ou "Ohlala je suis gentil" (Coucou Dragon Age, coucou Mass Effect!). Undertale va plus loin et propose des vraies modifications importantes du jeu en fonction des choix et plus qu'une simple différence de la couleur du ciel dans la cinématique de fin. C'est COOL et ça donne une vraie rejouabilité et pousse le joueur à être curieux.

- Les personnages. Ils sont originaux et ont une vraie personnalité, on retrouve des vraies personnes dignes des vieux rpg et qui diffèrent vraiment du PNJ lambda qu'on a partout (Coucou Mass Effect, coucou Dragon Age!).

- La musique. Elle n'est pas incroyable mais de très bonne qualité, c'est très agréable de l'écouter (sauf après 2h+ de Megalovania mais, what the hell, j'avais qu'à être meilleur pour l'écourter, je suppose) et en plus chaque boss a son thème à lui, c'est une SUPER BONNE IDÉE.

- L'originalité du parti pris du dev. Undertale, c'est du jamais vu. On sent un univers complet qui vient de la part du développeur qui a pu pousser son délire loiiiiiin quitte à être parfois incompris.

- Le rapport Joueur-Jeu. Je m'explique. Undertale est conscient d'être un jeu et joue avec la limite de la machine pour parler au joueur plus qu'au personnage principal parfois. Ce qui donne des scènes vraiment intéressantes qui finalement poussent le joueur à prendre tel ou tel risque ou une décision plus que le personnage. On se retrouve à craindre pour notre personnage, ce qui est vraiment VRAIMENT bien trouvé. Et ce concept s'étend pour parfois briser le quatrième mur, parfois être conscient du nombre de tentatives sur un boss, etc... C'est super bien trouvé!


Négatif:

- Le gameplay de base. Pour un jeu qui se veut aussi original qu'Undertale, pourquoi se limiter à ça? Les combats sont ENNUYEUX. Quand on attaque on est dans du RPG ultra classique au tour par tour façon FF old school, quand on défend c'est du... shmup..? C'est très étrange et vraiment pas très intéressant, même si les boss ont des mécaniques un peu plus sympa pour shmupper, ça va pas loin et on aurait préféré (moi, au moins) quelque chose qui s'éloigne de gameplays aussi classiques. Aussi, y'a de l'équipement, mais en vrai, on s'en fout complètement.

- Les graphismes. C'est certainement un choix de faire dans le pixel art. Mais... c'est MOCHE. Je suppose que c'est volontaire, mais avec des moyens comme ceux mis dans la création du jeu il y avait moyen de faire bien plus intéressant que ça (et je dis pas plus beau, notez). Ça m'échappe. Même les décors sont pas terribles. Et le jeu ne rend pas du tout hommage aux vieux RPG console d'avant la PS1 alors... pourquoi?

- Les personnages. Ils sont aussi un point négatif. Ils sont tous tellement extrêmes et perchés que parfois ça tient de la comédie nanardesque (COMME SHARKNADO) qu'autre chose. Les gags ne marchent pas toujours et avec un peu de recul c'est fatigant. Faut vraiment accrocher, sinon c'est dur (je sais de quoi je parle).

- L'équilibrage. Foiré. Inexistant. À se demander s'il y a eu des testeurs. Le jeu est 99% du temps HYPER FACILE et 1% du temps COMPLETEMENT IMPOSSIBLE. Dans un RPG? Un peu de sérieux...

- L'univers volontairement obscur pour déchaîner les fans et faire sa propre promotion via les fandom. C'est lâche. Et ça laisse les gens combler les vides scénaristiques. Beurk...

- La durée de vie. J'ai du plus haut que y'avait de la rejouabilité. Y'en a. Mais à 3h et quelques la run, on arrive à, en gros, un total de 10h le tout. 10h pour faire trois fois un jeu à 10€! C'est non. 1€ l'heure de jeu, c'est totalement pas acceptable (ou alors téléchargez-le mais là c'est vous qui êtes malhonnête. HA!). C'est d'ailleurs un problème courant chez les jeux indépendants, ils ne valent pas DU TOUT leur prix. Undertale est pas dans les pires, mais ça reste pas cool.



Finalement, que retient-on? Hé ben, une bonne expérience! Undertale c'est cool et ça change. Surtout, ouais, ÇA CHANGE VRAIMENT de la sauce dégueue qu'on nous sert à longueur d'année que ça soit dans les AAA ou même dans l'indé. Alors le jeu est très loin d'être parfait hein, soyons honnête. Il est un peu le cul entre deux chaises, entre l'innovation et la peur de perdre le joueur, on a la sensation d'une mixture pas tout à fait finie et qui aurait mérité encore plus de libertés et d'originalités.
On me dira souvent que l'intérêt c'est l'histoire et la temporalité et tout et tout. Nan. Juste, nan. On a des indices flous une fois de temps en temps en fouillant comme des dingues, et le reste sort de l'imaginaire dégénéré des fans hardcore.

Total: 14.5/20. Pas mal, du tout!