vendredi 18 octobre 2013

Artefact

Elle prit l'objet entre ses mains. Il était brûlant. Certains reflets de sa surface trahissaient une incandescence proche. Mais elle n'en avait pas peur. Elle était habituée à cette chaleur. Depuis dix ans elle vivait dedans. Une chaleur surnaturelle, dont personne ne connaissait l'origine. Elle aussi, brûlait. Peut-être était-elle plus chaude que l'objet. Elle n'eut aucun mal à le garder en mains.
Elle se demandait parfois d'où lui venait cette chaleur, et, la voyant comme un mal, aimait supposer qu'elle venait directement de l'enfer. Qu'une flamme infernale et immortelle reposait en elle, la réchauffant, la poussant au mal, mais l'accompagnant dans sa quête et l'aidant à y survivre.
Plusieurs fois, elle s'en était servie. Elle la consumait un tout petit peu. L'utilisait. Pourtant, jamais cette flamme ne s'était affaiblie. Elle semblait infinie. À chaque utilisation, la chaleur la poussait en avant, lui permettant de réussir ce qu'elle entreprenait, et la rapprochait peu à peu de la Limite.
Bien qu'elle en soit encore loin, la elle pouvait percevoir la Limite. Elle savait que si elle utilisait trop ce brasier intérieur, elle lui cèderait le contrôle de son corps. Mais elle en avait besoin. cette chaleur la rendait forte. Toujours plus forte, elle surmontait tous les obstacles sans aucune peur autre que celle de la Limite. Et cette fois encore, elle devait y avoir recours.
Elle sut qu'elle n'avait rien à faire. L'objet réagit seul, et chauffa, encore plus. Pourtant rougeoyant, il était encore beaucoup plus froid que la jeune femme. Il semblait commencer à fondre.
Elle mit ses mains en coupe pour ne rien en perdre. Le liquide rouge dégageait beaucoup de fumée. Elle en sentait la chaleur, mais ne risquait rien. La fournaise vivante qui reposait en elle l'immunisait à ce genre de chaleur. L'étincelle n'atteint pas le brasier.
Elle savait ce qui allait se passer. Et elle savait que c'était risqué, mais en avait besoin. Il lui en fallait toujours plus. Elle se contenta d'observer son enfer capturer ce petit feu mourant. Les fines mains de la jeune femme absorbèrent le liquide et virèrent au rouge feu. La couleur remonta le long de ses bras pour finalement se répandre dans son corps tout entier. Sa flamme devint encore plus vive et son corps dégagea pendant un bref instant une lumière presque blanche, légèrement teintée d'orange. Elle se sentit à la fois bien et mal. Pendant un instant, elle se crut invincible. Le temps d'un autre, un effroi sans précédent la frappa. La limite se rapprochait dangereusement.

Elle se releva, inspira profondément, puis plaqua ses deux mains contre son cœur. Elle regretta un peu son geste.

dimanche 13 octobre 2013

Jonyogrel chap 3 : Où Noipsé, un troisième larron, est tout aussi bizarre que les premiers.

Il se sentait un peu mal à l'aise, l'air hésitant, la goutte de sueur naissant sur son front hésitait encore sur le chemin à prendre pour l'embêter. Il était assis dans cette plaine, avec une cape dont la capuche était rabattue sur sa tête. C'était là que les anges devaient venir le rencontrer, Yogel le lui avait dit.

Ils arrivèrent avec quelques minutes de retard.

- Vous êtes en retard, leur lança Noipsé.

- Pardon ? lui rétorqua un des anges.

- Je voulais dire, Suzette en pétard.

- On va dire qu'on a rien entendu ... Bon, figure toi qu'on te recrute, parce que t'es super cool, super puissant, et tu seras l'élément comique du groupe qui sauvera le monde, bien que tu ne sois pas noir et que c'est la norme dans beaucoup de comédie américaine.

- Ben, ça peut s'arranger, je suis polymorphe.

- Hein ? fit un ange dans l'espoir qu'il répète sa phrase tout à fait étrange.

- Ben, ça peut se ranger, je fuis ...

Il marqua un temps d'arrêt, les anges le regardèrent, d'un air de questionnement.

- ...Dusseldorf.

Les deux anges se retournèrent.

- Il a été la chercher loin celle-là ! dit le premier.

- Non mais tu penses qu'il n'est pas un peu bizarre?

- Entre un pervers et un guerrier de la forêt © qui se fait aider par son double du futur juste par flemme (et on se demande d'ailleurs comment le double du futur n'a pas eu la flemme d'aller aider son double du passé) avant que l'on puisse intervenir, je pense qu'on n'est pas à ça près.
Ils se retournèrent encore une fois, vers Noipsé.

- Bon, tu dois aller là.

Un bruit de curseur sur une carte se fit entendre.

- Et ... ben basta.

Les deux anges disparurent.

Un mystérieux individu apparut dans l'ombre d'un saule heureux. L'homme était pas très grand, bien coiffé, bien rasé, avec une expression l'air de dire qu'il se fait la tête à lui-même. Il n'avait pas l'air diabolique mais rien qu'à son apparition dans l'ombre avec de la fumée bizarre, on sentait que c'était lui le méchant, que c'était ... Yogel.

- Ah ah, tu les as bien eu, ces anges ! Ils ne se doutent de rien ... Mais ... J'espère que tu vaux les pièces d'or que j'ai dépensé pour te recruter, fit Yogel avec un brin de méfiance dans la voix, le même brin de méfiance que l'on a lorsque l'on nous demande de manipuler une scie circulaire sans protection.

Et il se leva, enlevant sa cape, dévoilant tout un attirail d'objet semblant destiner à faire souffrir les autres et d'une tenue en cuir ("Pas parce que je suis SM hein" me rajouta-t-il à l'oreille).


- Sur un Air de "Sweet Travestite"





C'est moi Noipsé,  c'est moi le traître, dans cette aventure
J'vais intégrer le groupe d'aventuriers ...Pour une raclure
Afin que je puisse ... les tuer.
Et essayer de leur voler 
Les artefacts grégaires
J'suis pas un assassin, ni même un mercenaire
Mais c'est ma nature, de faire tout le temps le mal
Car je suis l'archétype du méchant veinal 

Je suis juste le mec pourri de l'histoire et j'vais les avoiiiiiiiiiir.

Yogel était quelque peu étonné que Noipsé se soit mis à chanter d'un coup comme ça, sans raison. Car, bien que ce fut horrible à entendre et qu'il aimait bien les trucs horribles, ses déhanchés étaient quelques peu ... déhanchés.

- Grégaire ?
- C'était pour la rime, chef.
- Et tu m'as traité de raclure ?
- C'était aussi pour la rime, chef.
- Ah ... Bon, va, vil suppôt de ... moi-même en fait.

Et, tandis que Yogel se claqua le front avec sa main, fruit du regret d'avoir embauché Noipsé, il remit sa cape et se dirigea donc vers la ville la plus proche, en apercevant au loin deux individus étranges qui faisaient des trucs ...

mardi 1 octobre 2013

...deviendra grand



J'avais plusieurs rituels. Celui de sentir le vent au même endroit chaque jour n'était que le plus fréquent. Par exemple, tous les dix jours, je volais. Plusieurs heures, d'un coup. Je me disais que ça m'empêcherait de rouiller, même si tous les jours je me retrouvais comme neuf, cela me faisait du bien et me donnait l'impression d'être libre de cette boucle infinie. Et peut être qu'une fois, je pourrais apercevoir quelque chose de différent. Naïf.
Mon rituel le moins fréquent était assez rapide, mais volontairement, je ne le faisais que peu. Il y avait ce livre. On me l'avait confié peu avant mon arrivée ici. Presque neuf, pourtant écrit il y a des années et lu des centaines de fois. C'était un des détails qui m'avait fait comprendre que la journée que je vivais était infinie. Je l'avais déchiré en deux, une fois... Ce livre contenait tout ce qu'on avait pu trouver sur moi. Soit... peu de choses concrètes si on exclue mon apparence et ma découverte de la Planète. Mais je ne désespérais pas de découvrir qui j'étais plus précisément. Alors, tous les cent jours, je le lisais. Je revoyais comment on m'avait découvert. Comment j'avais appris à communiquer avec ceux qui m'avaient découvert. Je me rappelais leur guerres, leurs politiques, leur technologie, leurs outils pour compenser leur faiblesse, et je me réjouissais de ne pas être l'un d'eux. Puis je ressentais une pointe de tristesse de ne pas avoir trouvé qui j'étais. Une fois de plus.

Le livre était beau. D'une grande qualité, propre, et d'un violet sombre révélant son contenu: "Créature Divine". Faux. Mais j'étais le seul à avoir un livre de cette couleur, réservée aux phénomènes surnaturels. Son écrivain espérait toujours en trouver d'autres, en vain.


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J'arrivais à presque cent jours depuis ma dernière lecture. À vrai dire, je ne savais pas exactement à combien j'en étais. Peut être seulement quatre-vingt-quinze. Peut être cent cinq. Je ne comptais pas rigoureusement, c'était inutile. Ma prochaine lecture était proche, voilà tout.
C'était cette pensée en tête que je montais les marches ce matin-là. Un matin de plus, comme tous les autres. Étrangement, je m'attendais à quelque chose de différent. Mais non. Le vent soufflait, là-haut. Je m'assis. Fermai les yeux. Dix, quinze minutes. Tout était pareil. Je redescendis et allai voir mon livre. Il n'avait pas bougé. Ou plutôt, il était retourné à sa place habituelle. Je me dis que je pourrais le lire, mais non, l'envie n'était pas là. Je n'avais pas faim non plus. Peu de motivation à faire quoi que ce soit. Je m'assis alors contre un mur, une jambe tendue et l'autre ramenée vers moi, bras croisés appuyés sur mon genou. Je laissai tomber mon front contre mes poignets.
Ce n'était pas la première fois que ce genre de non-envie me prenait. Et je savais que je ne pouvais rien y faire. J'allais, pendant une heure peut-être, repenser à ma vie avant d'arriver ici, aux dix longues années que j'avais vécues sur la Planète avant mon exil. Ceux que j'avais rencontré, ma recherche de ce lieu, les sollicitations ininterrompues pour aider tel ou tel camp dans une énième guerre. Du bonheur et du malheur. Peu de danger. Mais toujours ce sentiment de ne pas être à ma place.
Et ces pensées me fuirent. Je me relevai. Il était temps de manger.



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Combien de fois avais-je lu ces lignes ? Peut être trois cents fois. Je les connaissais presque par cœur. Les relire était devenu presque inutile. Il y avait  seulement cent deux pages. Les premières me décrivant, les secondes racontant les peurs de celui qui m'étudiait, et les dernières décrivant mes semaines d'adaptation à la Planète.
J'hésitais. Je n'avais aucune raison de lire encore ce livre. Plus aucun espoir de trouver quelque chose d'autre que d'habitude. Et si, cette fois, la lecture ne me faisait que du mal? Et si j'y voyais une autre interprétation, bien plus sombre? Aurais-je peur de découvrir qui je suis en réalité? Peut être qu'involontairement j'occultais certains passages. Rien ne peut plus changer maintenant.
Puis je me rappelai de la trente-troisième page. Je devais lire. D'une main tremblante, j'attrapai le manuscrit et le posai sur mes genoux.

"La Créature Divine"

Je commençai ma lecture.






(Salut tout le monde, c'est LEJON, bien entendu. Comme vous semblez avoir vraiment apprécié la première partie de l'histoire, voilà la suite (Bon on m'a beaucoup poussé au cul, donc vilains.) et je vous promets d'avance la suite de la suite. J'avoue avoir un peu peur de là où je m'aventure, et j'espère réussir à garder ce ton calme et posé, fort et craint. Mais bon. En plus j'aime pas écrire au passé simple/imparfait mais bon, c'est les règles. Allez, j'espère que vous avez aimé ce bout aussi, n'hésitez pas à m'insulter si c'est pas bien, à la prochaine !)