mardi 1 octobre 2013

...deviendra grand



J'avais plusieurs rituels. Celui de sentir le vent au même endroit chaque jour n'était que le plus fréquent. Par exemple, tous les dix jours, je volais. Plusieurs heures, d'un coup. Je me disais que ça m'empêcherait de rouiller, même si tous les jours je me retrouvais comme neuf, cela me faisait du bien et me donnait l'impression d'être libre de cette boucle infinie. Et peut être qu'une fois, je pourrais apercevoir quelque chose de différent. Naïf.
Mon rituel le moins fréquent était assez rapide, mais volontairement, je ne le faisais que peu. Il y avait ce livre. On me l'avait confié peu avant mon arrivée ici. Presque neuf, pourtant écrit il y a des années et lu des centaines de fois. C'était un des détails qui m'avait fait comprendre que la journée que je vivais était infinie. Je l'avais déchiré en deux, une fois... Ce livre contenait tout ce qu'on avait pu trouver sur moi. Soit... peu de choses concrètes si on exclue mon apparence et ma découverte de la Planète. Mais je ne désespérais pas de découvrir qui j'étais plus précisément. Alors, tous les cent jours, je le lisais. Je revoyais comment on m'avait découvert. Comment j'avais appris à communiquer avec ceux qui m'avaient découvert. Je me rappelais leur guerres, leurs politiques, leur technologie, leurs outils pour compenser leur faiblesse, et je me réjouissais de ne pas être l'un d'eux. Puis je ressentais une pointe de tristesse de ne pas avoir trouvé qui j'étais. Une fois de plus.

Le livre était beau. D'une grande qualité, propre, et d'un violet sombre révélant son contenu: "Créature Divine". Faux. Mais j'étais le seul à avoir un livre de cette couleur, réservée aux phénomènes surnaturels. Son écrivain espérait toujours en trouver d'autres, en vain.


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J'arrivais à presque cent jours depuis ma dernière lecture. À vrai dire, je ne savais pas exactement à combien j'en étais. Peut être seulement quatre-vingt-quinze. Peut être cent cinq. Je ne comptais pas rigoureusement, c'était inutile. Ma prochaine lecture était proche, voilà tout.
C'était cette pensée en tête que je montais les marches ce matin-là. Un matin de plus, comme tous les autres. Étrangement, je m'attendais à quelque chose de différent. Mais non. Le vent soufflait, là-haut. Je m'assis. Fermai les yeux. Dix, quinze minutes. Tout était pareil. Je redescendis et allai voir mon livre. Il n'avait pas bougé. Ou plutôt, il était retourné à sa place habituelle. Je me dis que je pourrais le lire, mais non, l'envie n'était pas là. Je n'avais pas faim non plus. Peu de motivation à faire quoi que ce soit. Je m'assis alors contre un mur, une jambe tendue et l'autre ramenée vers moi, bras croisés appuyés sur mon genou. Je laissai tomber mon front contre mes poignets.
Ce n'était pas la première fois que ce genre de non-envie me prenait. Et je savais que je ne pouvais rien y faire. J'allais, pendant une heure peut-être, repenser à ma vie avant d'arriver ici, aux dix longues années que j'avais vécues sur la Planète avant mon exil. Ceux que j'avais rencontré, ma recherche de ce lieu, les sollicitations ininterrompues pour aider tel ou tel camp dans une énième guerre. Du bonheur et du malheur. Peu de danger. Mais toujours ce sentiment de ne pas être à ma place.
Et ces pensées me fuirent. Je me relevai. Il était temps de manger.



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Combien de fois avais-je lu ces lignes ? Peut être trois cents fois. Je les connaissais presque par cœur. Les relire était devenu presque inutile. Il y avait  seulement cent deux pages. Les premières me décrivant, les secondes racontant les peurs de celui qui m'étudiait, et les dernières décrivant mes semaines d'adaptation à la Planète.
J'hésitais. Je n'avais aucune raison de lire encore ce livre. Plus aucun espoir de trouver quelque chose d'autre que d'habitude. Et si, cette fois, la lecture ne me faisait que du mal? Et si j'y voyais une autre interprétation, bien plus sombre? Aurais-je peur de découvrir qui je suis en réalité? Peut être qu'involontairement j'occultais certains passages. Rien ne peut plus changer maintenant.
Puis je me rappelai de la trente-troisième page. Je devais lire. D'une main tremblante, j'attrapai le manuscrit et le posai sur mes genoux.

"La Créature Divine"

Je commençai ma lecture.






(Salut tout le monde, c'est LEJON, bien entendu. Comme vous semblez avoir vraiment apprécié la première partie de l'histoire, voilà la suite (Bon on m'a beaucoup poussé au cul, donc vilains.) et je vous promets d'avance la suite de la suite. J'avoue avoir un peu peur de là où je m'aventure, et j'espère réussir à garder ce ton calme et posé, fort et craint. Mais bon. En plus j'aime pas écrire au passé simple/imparfait mais bon, c'est les règles. Allez, j'espère que vous avez aimé ce bout aussi, n'hésitez pas à m'insulter si c'est pas bien, à la prochaine !)

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